le jeu de l'imitation critique

L'interrogateur C du jeu de l'imitation, affirme-t-il, se trompera aussi souvent dans ce cas que lorsqu'il a affaire exclusivement à des humains6. Supposons que le cerveau dans une cuve cherche à se faire passer auprès des "vrais" cerveaux - ceux qui ne sont pas dans une cuve, mais dans un corps - pour un "vrai" cerveau. Pour la clarté de l'exposé, ici, nous continuerons à nommer la machine A, l'examinateur C, et son partenaire humain B. Celle-ci serait victorieuse parce que son adversaire se trompe comme on se trompe dans l'usage d'un outil, à la manière d'un automobiliste qui confondrait la pédale d'accélérateur avec celle de frein. Il est possible qu'elle n'ait pas d'yeux." Il est permis, en effet, de voir dans la machine qui s'auto-organise, comme dans le recours au modèle épistémologique de l'évolution, une première formulation des principes sur lesquels reposent les "machines connexionistes" ou les "algorithmes génétiques". La machine fait en effet bonne figure au jeu de l'imitation car son examinateur est conduit à postuler qu'elle est un sujet ; cette postulation est inscrite dans l'acte de parole de l'examinateur. Turing ajoute que le processus qu'il imagine est comparable à l'évolution biologique, la structure de la machine correspondant au "matériel héréditaire", les changements subis par elle aux mutations et le jugement de l'expérimentateur, c'est-à-dire les choix faits par le "maître", à la sélection naturelle31. Si une machine peut apprendre, alors elle est en mesure de faire bonne figure au jeu. Comment douter, en effet, que les protagonistes d'un échange de paroles pensent ? La possibilité d'une "victoire" de la machine au jeu se comprend précisément à partir de là. L’histoire n’est pas entièrement représentative de la réalité, mais semble s’y rapprocher en plusieurs points. Or, affirmait Turing, en la soumettant à un système d'interférences conçu selon un modèle simulant des "punitions" et des "récompenses", il serait possible de modifier cette machine de manière à ce qu'elle s'auto-organise. En vérité, dans un tel contexte, une victoire de la machine au jeu s'expliquerait par le fait que le processus d'énonciation et de communication dans lequel l'examinateur est engagé détermine ce dernier à accorder au "je" de la machine le même statut qu'au sien propre. C pourrait trouver extrêmement difficile de dire contre lequel il joue." Comme c'était aussi le cas avec Argo (qui, rappelons-le, a remporté l'Oscar du meilleur film en 2013), The Imitation Game est inspiré d'une histoire vraie qui a été classée secret d'État pendant 50 ans. Turing répond : en concevant une "machine-enfant" que l'on éduquera - car c'est bien de cela qu'il s'agit - comme on éduque un petit d'homme. par Benoît Smith. "Le jeu, note-t-il, [le jeu de l'imitation] est fréquemment utilisé en pratique (en omettant le joueur B) sous le nom d'examen oral pour découvrir si quelqu'un comprend véritablement quelque chose ou "a appris comme un perroquet". Admettons, en effet, que le jeu de l'imitation soit décomposable, à l'infini, en une succession de tests partiels, bien plus élémentaires encore que celui du sonnet ; sachant qu'une machine universelle, selon sa définition, peut simuler le comportement de toute autre machine, nous conclurons qu'il existe toujours une machine théorique imitant le comportement de chacune des machines partielles d'une série correspondant à une session victorieuse du jeu. Il est cependant permis de se demander si cette interprétation rend bien compte de ce qui fait l'originalité de la réflexion de Turing. Le témoin : Oui, mais personne n'a envie d'être comparé à un jour d'hiver...19". Chez Descartes, en vérité, le discours humain et l'action réfléchie se distinguent de toute reproduction de leur seule forme matérielle par cela qu'ils expriment un "jugement", c'est-à-dire l'application d'une volonté à une idée10. Le "quelque chose" que nous poursuivons ici n'est pas séparable de cette situation. Supposons que des combinaisons de symboles chinois aient été introduites dans la pièce, et que le livre fournisse des règles ordonnant à notre opérateur de sortir certains symboles de la pièce dans un certain ordre. Ce jugement émis par l'examinateur - jugement qui consacre sa défaite - est précisément ce qui déterminera la conclusion des observateurs. Qu'arrivera-t-il, demande Turing, si A est remplacé par une machine, en l'occurrence par une "machine universelle"? Le narrateur intradiégétique arrive, dès le départ, à nous assujettir et à nous intriguer suffisamment pour que la suite nous intéresse. Le jeu de l'imitation aurait pour fonction de vérifier que la machine est en mesure de reproduire un certain comportement et la démarche de Turing reposerait sur la présupposition que le terme "penser", dans la question "Les machines peuvent-elles penser ? En abordant, à travers le jeu de l'imitation, non seulement la question de la machine, mais celle des rapports de l'homme à celle-ci, Turing, sans peut-être qu'il le sache répondrait autrement à la question même abordée par Descartes, contribuant, par là, à la mise au jour des problèmes spécifiques, profondément enracinés dans l'histoire de la philosophie occidentale, que soulève l'actuelle nécessité de repenser les rapports de l'homme à la machine. 42. In Collected Works of A. M. Turing, Londres, North-Holland, 1993, vol. (4) Voir Hodges Andrew, Alan Turing ou l'Énigme de l'intelligence, trad. L’imitation interhumaine s’illustre sporadiquement dans les oeuvres littéraires de diverses cultures et de diverses époques, sans occuper le premier plan de la pensée de leurs auteurs. La simulation, par le système "chambre chinoise", composé d'un opérateur, de symboles et de règles de manipulation de ces symboles, de la performance de ses interlocuteurs humains pourrait être regardée comme la performance de ce système ; or, quand bien même son adversaire direct serait ainsi conduit à le confondre avec un interlocuteur humain, cela ne démontrerait pas que ce système comprend ce qu'il énonce. L'hypothèse est, ici, que, si une "machine universelle", non déterministe, automodifiable, et constituant un système logique élémentaire, était dotée d'un dispositif lui permettant de recevoir des signaux de l'extérieur, elle pourrait, à l'aide d'un système de punitions/récompenses tel que celui décrit dans Intelligent Machinery "apprendre", et être "éduquée" comme l'est un petit d'homme. Bref, aux yeux de Searle, dans le cadre du jeu de l'imitation, ce n'est que du point de vue des adversaires de la machine qu'il y a échange de paroles ; la machine n'a pas elle-même de "point de vue". Descartes illustre cette idée, dans la cinquième partie du Discours de la méthode, à l'aide d'une "expérience" fictive proche, dans sa structure, de celle proposée par Turing : imaginons un automate fabriqué par un artisan doué d'une habileté supérieure, et imitant parfaitement l'apparence et le comportement d'un être humain ; nous aurions toujours, soutient Descartes, deux moyens de ne pas confondre cet automate avec un homme véritable : la parole et l'action réfléchie8. Julien Basch, op. Bref, pour employer le mot "cuve" avec la même référence qu'un cerveau "ordinaire", il ne devrait pas être dans une cuve. L'argumentation de celui-ci vise explicitement une certaine opinion commune pour laquelle la pensée est inséparable de l'imprévisibilité qui accompagne l'invention ; au regard de cette opinion commune, une machine est parfaitement prévisible et n'invente rien, donc ne pense pas. Que la machine ne pense pas est, pour Descartes, une certitude métaphysique puisqu'il s'agit d'une conséquence de la distinction des substances : elle relève de la substance étendue et non de la substance pensante. Ces jeux de rôle lui permettent de s’approprier à sa manière les expériences de la vie. Or, on voit bien qu'une machine "parlante" de ce type - qui ne connaîtrait que la troisième personne - ne saurait en aucun cas faire bonne figure au jeu de l'imitation. (15) Ainsi, P. Blanchard traduit-il dans l'expression "answers that would naturally be given by a man", a man par "l'homme", plutôt que par "un homme". Helen Keller était cette jeune Américaine devenue très jeune sourde, aveugle et muette et qui, confiée à Anne Mansfield Sullivan, apprit, à l'aide du seul sens du toucher, le langage des sourds-muets, puis l'écriture et enfin la parole, avant de faire des études supérieures et de consacrer un livre à son expérience. Turing s'était lui-même essayé à concevoir sur le papier une machine de ce type jouant médiocrement aux échecs4. Bande-annonce (fr.) En outre, il apparaît que le jeu est construit de telle sorte qu'il ne s'agisse pas, pour l'examinateur, de reconnaître un homme, et, par là, de constater qu'il y a "de la pensée", mais, à l'inverse, de reconnaître éventuellement de la pensée, et, par là, de croire à la présence d'un homme. Le montage, entre les séquences passées et présentes, est très efficace. Ces jeux d’imitation permettent à l’enfant de comprendre l’Autre, de se projeter dans un monde d’adulte mais aussi de répéter les gestes du quotidien (manger, se coiffer...) et de développer son langage. Sa "réussite" au test ne sanctionnerait-elle pas la défaite de ses adversaires plutôt qu'elle n'attesterait sa propre victoire ? Les Ordinateurs et l'Intelligence, op. 19-21 septembre 2013. (7) Intelligent Machinery, op. La discussion que mène Turing d'un certain nombre de situations, auxquelles le jeu peut se prêter, et que le sens commun oppose à son hypothèse, doit se comprendre à cette aune : une machine, dit-on, ne pourrait l'emporter au jeu de l'imitation car elle ne commet pas d'erreurs, ne peut pas apprendre, se comporte de manière prévisible et est incapable d'invention, enfin et surtout, car elle ne sait pas ce qu'elle fait, ni même qu'elle fait quelque chose. Or, la prise en compte de cette dimension de la démarche de Turing, généralement oubliée dans les commentaires du jeu de l'imitation, n'est-elle pas susceptible de modifier l'interprétation examinée plus haut, selon laquelle la machine victorieuse au jeu resterait un dispositif purement formel, du type "troisième personne"? Les éléments qui constituent la situation seront, outre la machine, l'équipe de ses "éducateurs", et les observateurs de l'expérience. Les Ordinateurs et I'intelligence, op. Peut-elle être débarrassée de sa connotation "continentale", c'est-à-dire du statut que lui confère le fait de renvoyer au "je" du "je pense"? La conclusion des observateurs, que ce soit dans le cas de l'apprentissage ou dans celui du jeu, est tirée à partir d'un test, dont le résultat est considéré par eux comme un critère. Dans Les Ordinateurs et l'Intelligence, celui-ci ne soutient pas seulement qu'une "machine universelle" peut faire bonne figure au jeu, il affirme également qu'une machine peut "apprendre". dont on veut juger de la valeur. Le changement induit dans la structure du jeu par la substitution d'une machine à la femme de la situation initiale est à cet égard éclairant. On notera ainsi que Turing insiste particulièrement, par anticipation, sur l'un des traits qui distinguent la démarche actuelle de celle de l'IA classique, à savoir le fait que la conception d'une machine "intelligente" ne passe pas par une formalisation a priori des réponses attendues d'elle, mais par la réalisation d'un système dynamique, atteignant de lui-même un point d'équilibre, sans que la configuration correspondante ait à être spécifiée de manière formelle, sans qu'il soit besoin "d'avoir une représentation mentale claire de la machine à tout moment du calcul", comme c'est le cas lorsqu'il s'agit d'une machine à calculer classique32. (24) En passant de la première version du jeu - où A, B et C sont tous trois des êtres humains - à la seconde - où une machine prend la place de l'adversaire de l'examinateur - Turing renomme les protagonistes ; désormais A est l'examinateur, B son partenaire et C la machine. Drame biographique de Morten Tyldum avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode. La machine du jeu de l'imitation, toutefois, n'est pas un "cerveau", même dans une cuve. Vers 2 ans et demi, les enfants commencent à imiter leur mère ou leur père dans des jeux imaginaires. Par ailleurs, sous cet angle, la substitution du jeu de l'imitation à la question "Les machines peuvent-elles penser ?" In Collected Works of A. M. Turing, op. C'est nous qui traduisons. Ainsi, prononçant le mot "cuve", il fera référence, non pas à la cuve dans laquelle il se trouve, mais à l'image de celle-ci fournie par l'ordinateur. Visionnez la bande annonce du film Le Jeu de l'imitation et découvrez ses horaires de diffusion dans les salles Guzzo dès à présent. De sorte que le ressort du jeu de l'imitation ne serait plus la situation de communication formalisée, par là même réduite et particulière, qui accompagne le jeu d'échecs, mais bien la relation humaine de communication en tant que telle. Si nous sommes capables d'expliquer et de prévoir son comportement ou s'il semble y avoir le moindre plan sous-jacent, nous sommes peu tentés d'imaginer de l'intelligence7." L'apprentissage de la parole, c'est-à-dire la transformation du processus de communication en échange verbal, n'implique-t-il pas l'émergence de la personne grammaticale, la maîtrise de la déixis, et ceci quelle que soit la nature de l'apprenant et la manière dont l'apprentissage s'effectue ? Génie méconnu. Supposons que l'on considère "l'expérience" de l'apprentissage comme une épreuve centrée sur l'exercice du sonnet. Du comportement des joueurs d'échecs d'Intelligent Machinery à celui des interlocuteurs du jeu de l'imitation, il passe ainsi de la prise en compte d'un comportement tout à fait particulier à celle de ce que l'on s'accorde à considérer comme le comportement humain par excellence. Les cerveaux dans une cuve et ceux qui n'y sont pas ne partagent pas la référence. cit., p.127. Le jugement formulé au cours du jeu par l'examinateur, ne découle pas, quant à lui, d'un test de ce type ; il est énoncé par l'un des protagonistes du jeu et s'inscrit dans la dynamique même de celui-ci. ", peut être remplacé par la description de certains types de comportements. Mieux, la relation s'avère symétrique. Dans le cadre du jeu, la situation exigerait de l'examinateur qu'il prête aux autres protagonistes la consistance existentielle, et c'est là ce qui rendrait possible la victoire de la machine. Ce faisant, il n'aborde ni un problème technique, ni un problème de logique théorique, mais s'avance sur le terrain d'une philosophie que l'on qualifiera de "continentale" : pour l'emporter au jeu, la machine doit s'exprimer à la première personne et être pour son adversaire un semblable. ", peut être remplacé par la description de certains types de comportements. Turing, en effet, ne songe pas à n'importe quel type d'apprentissage : selon lui, une machine peut être "éduquée" comme un petit d'homme. Turing discute l'argument en s'attardant sur une situation particulière, celle de "l'examen oral" au cours duquel il est demandé à un élève, à titre d'exercice, de composer un sonnet, puis de le commenter. Appliquée au jeu de l'imitation, cette constatation revient à considérer que tout se passe comme si la machine, énonçant "je suis", fût-ce en affirmant cette contre-vérité : "je suis un homme", partageait avec ses interlocuteurs humains la consistance existentielle. 16 avril 2005.. – Une équipe d’étudiants de Simon’s Rock College à Great Barrington dans l’État du Massachusetts aux États-Unis, en collaboration avec le Docteur Richard Wallace de la Fondation A.L.I.C.E. Or, selon sa démonstration, le résultat doit être le même dans les deux situations. L'imitation des grands par le jeu : Ces jeux d'imitation permettent à l' enfant de mieux comprendre le monde qui l'entoure et de s'y intégrer. ", Pour la science, mars 1990, n° 149 ; Du cerveau au savoir, Paris, Hermann, 1985 ; "Esprits, cerveaux et programmes" in Hofstadter D., Dennett D. Nous l'avons vu : on ne peut rendre compte de ce qui se passe au cours du jeu - le discours à la première personne de l'interlocuteur mécanique de l'examinateur - par la dimension purement formelle de la notion de machine. Voir Weizenbaum J., Computer Power and Human Reason, New York, W. H. Freeman and Co, 1976. Consensus des critiques: With an outstanding starring performance from Benedict Cumberbatch illuminating its fact-based story, The Imitation Game serves as an eminently well-made entry in the "prestige biopic" genre. Et mise, surtout, sur la publication anonyme d'un appel à l'insurrection composé sur ses ordres par le romancier, fort de son passé de gauchiste. En second lieu, une machine de Turing universelle est modifiable puisqu'elle peut imiter diverses machines. Le problème de la conscience prend naturellement ici un relief particulier, d'autant que Turing l'aborde sous l'angle de l'expression artistique, lieu par excellence de la subjectivité, et qui apparaît comme ce dont la machine, aux yeux de l'opinion commune, est le plus irréductiblement éloignée. (éd. Dans la catégorie – certes peu stimulante – des biopics oscarisables sur des génies torturés, Imitation Game avait beau jeu de se rendre plus intéressant que son rival Une merveilleuse histoire du temps. Aucun individu humain ne sera plus en contact avec le monde extérieur, et pourtant aucun d'eux ne s'en apercevra ; tout se passera de telle sorte que, lorsque les cerveaux dans leurs cuves s'adresseront les uns aux autres, ils se comporteront exactement comme s'ils étaient hébergés dans un corps. (33) D. Andler évoque ainsi "la désinvolture de Turing" à propos de l'apprentissage du langage par la machine, désinvolture qui "semble aujourd'hui incroyable : rien n'indique que [Turing] entrevoie la difficulté pour la machine (ou son programmateur) de passer d'une "pensée" ou d'une "intention" communicative ou informative à une expression linguistique correcte et pragmatiquement adéquate". Le fondement, ici, est second par rapport à l'acte d'énonciation. Ne suffisait-il pas à Turing, pour répondre à la question de la "pensée" des machines, d'énoncer l'hypothèse des "machines qui apprennent"? (16) Aussi bien l'échange, au cours du jeu, peut-il aller, par hypothèse, de la simple conversation à la discussion, et porter sur un sujet quelconque. Avec le "jeu de l'imitation", Turing imagine une méthode pour décider si une machine "peut penser". Somme toute, le film offre un bon divertissement, et les auteurs n’inventent pas de pseudoscience pour rendre le film plus « intéressant » (Interstellar, c’est à toi et tes trous noirs que je pense). Turing discute ces objections en s'efforçant de montrer que, si, dans la définition logique de la machine comme machine universelle, rien n'interdit qu'une machine conforme à cette définition joue aux échecs, rien n'interdit non plus qu'elle fasse bonne figure au jeu. L'expression même du doute, ici, supposerait la parole, et toute parole est adressée à qui peut la comprendre et la partager. La perfomance des acteurs était extraordinaire et le scénario ficellé avec brio. En effet, tout le jeu se déroule en interactivité entre joueurs qui devront beaucoup échanger et tirer des plans sur la comète, pour comprendre ce qui se joue en tâche de fond. (5) "Il n'est pas difficile de concevoir une "machine de papier" qui ne jouera pas trop mal aux échecs. Plus spécifiquement, la critique est un texte justificatif dont le but est d'inciter les lecteurs à lire ou à ne pas lire, à voir ou à ne pas voir l'oeuvre en question. La machine victorieuse au jeu de l'imitation simule en somme la performance de C et de B disant "je suis" ; or, cette simulation n'est-elle pas sa performance propre - qui implique la consistance existentielle ? Il faut encore qu'imiter mal une femme ne l'empêche pas d'imiter de manière convaincante un "être humain". du film Le Jeu de l'imitation (2014). Imaginons que la machine ne se montre pas assez "adroite" pour tromper C sur sa prétendue "féminité", ce dernier concluera le jeu en affirmant : "A (la machine) ne peut pas être une femme, donc A est un homme." Il arrive qu'on se perde sur la ligne du temps, alors que certaines péripéties sont moins bien définies temporellement que d'autres, mais le sens global n'en est pas affecté. La logique du jeu de l'imitation et l'échange de paroles. Cet exemple servait de modèle au jeu décrit peu après dans Les Ordinateurs et l'Intelligence. La consistance même du "je" de l'examinateur s'exprimerait à travers la postulation par celui-ci de la consistance du "je" de l'entité avec laquelle il communique. Dans ce dernier cas, son refus de discuter la notion de pensée ne pourrait-il signifier qu'à ses yeux la question même "Qu'est-ce que la pensée ?" Comment mettre en doute que l'échange de paroles entre des êtres humains manifeste l'exercice de la pensée par ceux-ci ? Avec Le jeu d'imitation, l'histoire revit sous nos yeux. Le jeu de l'imitation soulève naturellement de nombreuses questions. 2014. 2, Mathematical Logic. Par ailleurs, il s'agit, pour l'examinateur, de distinguer ses deux interlocuteurs l'un de l'autre en déclarant, par exemple : "celui-ci est l'homme", l'interlocuteur en question étant la machine dans l'hypothèse d'une victoire de celle-ci. On peut certes relever combien Turing semble sous-estimer les difficultés immenses que présente la réalisation d'une "machine parlante", ou combien trivial est le modèle d'apprentissage qu'il propose, fondé sur le seul système punitions/récompenses33. Le meilleur film de sa catégorie jusqu'à présent. cit., p. 170. Une autre qualité importante de The Imitation Game est qu'il ne tente pas vainement de nous enfoncer des morales bidon au fond de la gorge. Si nous persistions à le nommer à l'aide de la catégorie de sujet, nous devrions préciser que ce n'est pas le sujet qui est premier par rapport à l'échange de paroles, mais celui-ci qui est premier par rapport au sujet. Évidemment, on comprend que certains éléments ne sont que pures fictions, mais il est ici aisé de croire que la plupart sont avérés. Turing est-il donc simplement prudent, considérant qu'il n'est pas lui-même en mesure de répondre de manière pertinente à une question telle que "Qu'est-ce que la pensée ? Dans son cas, l'assertion sera fausse, mais le statut du "je suis" qu'il prononcera, revenant à dire : "je suis celui qui dit qu'il est ce qu'il n'est pas", sera une performance comme dans le cas du "vrai" cerveau. C'est nous qui traduisons. Enfin, Turing ne prétend pas faire de la machine un modèle explicatif du comportement humain ; une "machine-enfant", précise-t-il, ne sera jamais l'exact équivalent d'un enfant humain34, et si elle apprend effectivement à parler, on n'en saura, au fond, pas davantage sur les mécanismes profonds qui auront permis cet apprentissage qu'on n'en sait lorsqu'il s'agit d'un enfant. C'est bien ainsi que la démarche de Turing a été majoritairement interprétée, tant par ses critiques, lesquels lui ont souvent reproché son behaviorisme, que par ses héritiers, tels les promoteurs de l'intelligence artificielle classique (IA), et il est vrai que les meilleurs résultats obtenus par celle-ci ont pu paraître corroborer les anticipations de Turing. La notion logique de machine élaborée à la fin des années trente - la "machine de Turing" - porte-t-elle l'exigence d'une réflexion de cet ordre ? (22) "[...] dans une telle situation je vous défie d'apprendre un mot de chinois..." Du cerveau au savoir, op. L'examinateur : Et "un jour d'hiver"? Telle est la portée véritable de la réflexion de Turing. Cela nous conduira à examiner notamment un passage peu commenté du texte de Turing : celui consacré à l'hypothèse des "machines qui apprennent". Dès lors, s'il y a échange de paroles entre un homme et une machine, n'est-ce pas qu'ils partagent la pensée ? Il établit, en outre, un lien entre les deux thèses : si une machine peut se tirer à son avantage du jeu de l'imitation, alors cette machine est capable d'apprendre. Plusieurs auteurs ont ainsi soutenu qu'une machine qui ferait bonne figure au jeu de l'imitation ne serait jamais autre chose, tout au long de l'épreuve, y compris si elle réussissait le "test du sonnet", qu'un dispositif purement formel dont on peut difficilement dire qu'il "sache" quoi que ce soit ou qu'il ait conscience de quelque chose ; de sorte que même si une machine l'emportait au jeu de l'imitation dans un cas sur trois, comme le suggère Turing, cela ne prouverait pas qu'elle "pense", au sens humain du terme. Ce point est d'autant plus frappant que l'opinion commune évoquée ici a une expression philosophique, laquelle plonge ses racines dans la métaphysique cartésienne et pose que la machine appartient à un autre ordre que l'homme. Il dira : "je suis un cerveau qui n'est pas dans une cuve", comme le dirait le cerveau qui n'est effectivement pas dans une cuve. Cahiers philosophiques, n°102, page 20 (06/2005), Cahiers philosophiques - Alan Turing et le jeu de l'imitation.

Terrasse Caillebotis Bois, Meilleur Application Crypto-monnaie, Menu St Valentin Strasbourg 2021, Boss Bottled Absolute 200ml, A Large Group Synonym, Prix Carrelage Terrasse Imitation Bois, Magasin Beaux-arts Besançon, Quoi Mettre Autour Piscine Hors Terre,




Comments are Closed